Dominicales du 26 mai 2024
C’est toujours la même histoire. Lorsqu’un projet de réforme controversé est débattu, il est souvent mis en avant le fait que « l’opinion publique y est largement favorable ». Façon habile de décourager toute velléité de résistance.
Mais quelle est cette opinion publique que l’on convoque opportunément ? Elle est appréciée par des sondages (souvent sur le mode binaire du oui – non). Mais les sondages servent aussi à façonner l’opinion. Les questions sont souvent posées de façon à parvenir au résultat escompté. Ainsi lorsque l’on pose la question « Compte-tenu de la surpopulation carcérale, êtes-vous favorable à la construction de nouvelles prisons ? » la réponse attendue et induite est évidemment oui. Alors que la meilleure façon de désengorger les prisons est … de commencer par ne pas les remplir. Savez-vous à ce propos que la population carcérale en Allemagne a baissé de 25% au cours des dix dernières années ? Il y a aujourd’hui en Allemagne davantage de places de prison que de personnes détenues. Cela donne à réfléchir.
Par ailleurs, les moyens modernes de communication influent considérablement sur l’opinion publique. Pour savoir ce que l’on vous invite à penser, il vous suffit de regarder l’émission de télévision « Plus belle la vie » à laquelle les téléspectateurs sont biberonnés soir après soir depuis des années ou d’écouter certaines chaînes d’information en continu où le débat n’est qu’apparemment contradictoire. La désinformation y prend plusieurs formes qu’il est important de bien connaître.
Cette question de l’opinion publique en soulève une autre. Quels sont les avis à prendre vraiment en compte ? En effet, ils ne se valent pas tous. Ai-je, sur la politique pénale du gouvernement, un avis aussi pertinent qu’une personne rentrée dans l’administration pénitentiaire à l’âge de 20 ans et qui y est toujours, 32 ans plus tard, après y avoir gravi de nombreux échelons ? Elle en connaît l’histoire, les évolutions, le décor et l’envers du décor. L’expérience acquise, la formation … sont nécessaires pour avoir une opinion pertinente sur un sujet complexe.
Il importe donc que chacun de nous se forme sur ces questions afin d’être en mesure d’éclairer les consciences en commençant par qualifier avec des mots justes les actes posés. Une grossesse, par exemple, ne peut être « interrompue ». Car interrompre quelque chose n’est pas y mettre fin mais la suspendre pour un temps avant de la reprendre. De la même façon, il importe de clarifier ce que l’on met derrière les mots de liberté et de dignité de la personne.
Entrer dans le débat suppose aussi de notre part la rencontre habituelle de personnes qui ne partagent pas nos idées, nos convictions. Ce n’est qu’en allant jour après jour « au contact » que nous aurons des chances d’être entendus.
Père Olivier Dupont